jeudi 20 mars 2008

Variation sur une boîte sonore

Boîte sonore : Frédéric Kahn, Viktor Furiani, Manu Larsen
Vidéo : Clémence Rodary

lundi 10 mars 2008

Rue Chassain de la Plasse



… Ainsi en va-t-il pour la mémoire de cet autre regard assemblé entre les frontières d’un tirage 6x9 et de son image 6x6 : l’image qui apparaissait sur le verre dépoli, on allait la puiser et la fixer comme à la surface d’une mare encastrée entre les petits murs verticaux du boîtier de l’appareil tenu à hauteur d’abdomen, et elle subsiste ici en son format carré de noir et blanc posé sur l’assise neigeuse de la petite photographie dont à l’époque on dentelait les bords. Ce rapport 2/3 – 1/3 de l’image et de son support surprend aujourd’hui, et il subsiste en symbole du désir de composer qu’on aiguisait alors chez les apprentis, dont les professionnels du reportage allaient garder pendant longtemps l’appareil le plus titré de cette hiérarchie nobiliaire, le Rolleiflex.

Petit paysage d’intérieur et aussi d’ouverture sur un extérieur modeste, coin de ville aux marges campagnardes : rien de brutal malgré les contrastes du «cadre noir» qui investit la chambre de ses verticales et de son horizontale basse (plus large à droite du tableau, en zones de brossage comme l’eût fait un peintre traçant un second cadre qui double le cadre matériel, et cette fois pour équilibrer le jeu des formes dans la partie construite par son inspiration), et de ce qui «se passe» dans le territoire figuratif, les deux battants de la fenêtre ouverte, la rue en diagonale qui «descend» vers la gauche, un trottoir, un mur en espaliers, des silhouettes d’arbres, de maisons, de cheminées ou de poteaux émergeant d’une brume légère. Je ne saurais négliger ce que me rend maintenant – à un demi-siècle en amont de l’étagement des vies qui parcourent en si petit mobile la polyphonie, fût-elle réduite à l’histoire humaine laissant des traces dignes d’interprétation – ce petit et précieux précipité des formes restituées par la photographie retrouvée, datée au dos «décembre 1956». J’interroge ce qui vient de m’être renvoyé de mon adolescence, et qui permet que je m’oriente mieux, grâce à cet emboîtement des lignes et des «couleurs», comme si j’étais moi-même réfugié au fond de la pièce, en avais ouvert les fenêtres sur ce matin probablement sans froidure, avais attendu que l’image puisée au miroir du puits métallique du Semflex réponde à un désir de fixer cet instant à la fois banal et unique, certes soumis au thème pour le jeune «artiste» mais qui au-delà du manuel relevait d’une exigence elle aussi plus malaisée à définir.

Encore maintenant je vois s’inscrire quelques signes discrets mais bien «mis en place» par l’Ordonnateur du paysage, Etre insaisissable qui avait disséminé en arrière de la fenêtre les grands traits que je n’avais plus qu’à confier à une machine de traduction du réel, et puisque je ne me savais aucune capacité de dessinateur et confiais à la machinerie héritée des premiers temps du XIXe siècle le soin de s’arranger avec mes menus réglages en diaphragme et vitesse (un éventail modeste de possibilités par cette lumière avare du début d’hiver et surtout en raison de la technicité un peu rudimentaire de ce modèle), il me fallait aussi attendre ce que le photographe développerait et tirerait en atelier. Aujourd’hui mon œil est attiré au second plan par quelques éléments qui paraissent relever du détail mais doivent prendre un sens plus ample, et d’abord ce trait vertical au 3e plan, une cheminée d’usine, probablement sortie d’usage, à la différence de celle qu’on ne peut voir sur la photographie, et qui plus à droite de la fenêtre, en regardant vers le sud-ouest, continuait alors à répandre dans l’atmosphère un ruban de fumée dont la direction marquait l’orientation du vent, ou alors le temps résolument calme faisait monter toute droite cette fumée au demeurant jamais tumultueuse et bouillonnante. Ici, la cheminée du sud-est n’est que trait à peine perceptible, noyé dans la brume d’hiver, un des éléments verticaux qui rythment le dégradé de la photographie vers les limites de sa diagonale descendante. Au fait, la rue dont le nom fut si familier à mon enfance que je n’ai aucune peine à le retrouver, qui honorait-elle ? Qui avait été ce Chassain de la Plasse : quel notable de la petite ville ? quel écrivailleur ou barbouilleur de province ? quel Robin dans ce quartier jouxtant le Palais de Justice et la prison ? quel chevalier d’industrie ? quel pharmacien ? On en prononçait toujours le nom dans son entièreté, mais la rallonge était raccourcie : «Chassain d’la Plasse». La rue, donc, descend doucement vers le haut (gauche) de l’image, ruban assez large et presque blanc, canalisé à sa droite par le mince trottoir gris, au liseré un peu souligné du caniveau, puis par un mur en paliers analogue à de longues marches d’escalier, qui s’en va buter contre l’angle d’une maison à mi-pente de la rue. Sur le côté de la diagonale rue-et-mur, il y a le fouillis végétal des «Jardins Veilleux», un vaste espace compartimenté «à la française» autour de la demeure fin XVIIIe d’un notaire, puis laissé en progressive déshérence sans être vraiment à l’abandon.

La cheminée d’usine est plus au lointain que l’autre trait vertical, un poteau d’électricité posé légèrement en dessous de la troisième «marche» de l’escalier-mur. Il s’amorce ainsi l’un de ces contrepoints dont je n’allais pas tarder à saisir le possible «transfert» des arts de la musique à ceux de l’espace, et que Klee ou Mondrian étaient légitimes héritiers de la tribu Bach ou de Haendel. Le trait plus court installé par une cheminée sur la pente droite du toit de la maison à mi-pente de la rue «répond» aux piquets de métal tout au long des marches de l’ «escalier», qui eux aussi rythment de façon d’ailleurs un peu irrégulière la descente du mur, et dont je me rappelle – sans que même avec une loupe je sois capable d’en authentifier la présence – qu’il servaient d’ancrages à un grillage un peu détendu, voire rouillé, dérisoire dispositif contre les incursions dans les Jardins du notaire. Et dans la série des verticales, on aperçoit encore, sur le mur de la maison, les encoches plus sombres qui signalent deux hautes fenêtres et une porte cochère. Une autre modalité du contrepoint - son contraire dans la forme, «courbée» au sein de la verticalité – réside en la présence d’ailleurs un peu confuse des arbustes et peut-être de hautes herbes sèches dans la partie visible des Jardins, puis surtout de la silhouette presque abondante – encore que dentelée dans sa structure – d’un sapin à droite de la maison, et dont je ne me souviens plus s’il appartenait au territoire Veilleux. Et insaisissable au regard de maintenant, peut-être même de naguère, le petit nuage errant de la brume, cette écharpe dolente mais douce, qui serpente au bas de la pente, croise et recroise dans les espaces qui mènent au bord du canal et de la Loire. Cette nappe… n’est-ce pas ainsi qu’on nomme cet entre brouillard et brume, où la nature se calfeutre en rêvassant, paresse attendant le souffle d’air qui la dispersera, lieu de refuge presque douillet malgré les milliards de gouttelettes froides qui la composent, lieu d’oubli momentané, de suspension du raisonnement et de la passion… Ici, peut-être le résidu de la fumée d’herbes et de branchages brûlés au Jardin, ou bien remontant des autres jardins – ceux-là plus ouvriers et potagers, sans plantes d’ornement – entre colline et canal, et qui en se fragmentant capricieusement perd et reconquiert ses modestes territoires, silence au ralenti étiré d’une matière comme la soie, mais trouée, en lambeaux, déchirure permanente d’impalpable qui va et vient d’un arbuste, d’une maison, d’une cheminée à l’autre, sans pouvoir se décider : moi-même alors dans le matin humide mais à peine frais, vacant, ouvert à la suite de la journée, de la semaine, de la vie lente et qui, un jour, se déchirera ? Je crois me reconnaître.

Qu’est-ce qui sortait de cette chambre, à la rencontre de quel désir d’une paix qu’on n’avait peut-être pas trouvée dans les autres pièces ? Et maintenant, qu’est-ce qui rentre en elle, - dans son image ressurgie du fond de la mémoire -, puisque les fenêtres sont à jamais fermées sur toute possibilité de revenir – non dans le quartier certes profondément transformé et qui a pourtant laissé intacte la maison, désormais vouée à d’autres fonctions que la vie familiale -, puisque le passé y est détruit, déshabité pour toujours ? Non, ce n’est pas seulement parce qu’il n’y a plus de Jardin Veilleux et, à sa place, une zone construite vers l’ouest de la ville qui a dévoré aussi les cheminées d’usine, les ateliers, les petites maisons de ce quartier-frontière. Pas seulement parce que la seule présence humaine de ce matin-là, au moment de la photo arrêtant le réel, celle du cycliste qui a mis pied à terre et pousse son vélo, il a encore quelques dizaines de mètres à faire pour accéder à l’horizontale de la rue Fontenille, en perpendiculaire de la rue Chassain de la Plasse, je ne peux le reconnaître parmi des personnages familiers de mon enfance – est sortie de la vie, de sa vie qu’il habitait sans doute tant bien que mal, de la mienne qui ne fit que le côtoyer, alors qu’il avait peut-être – qui le sait ? – tant à dire sur la rue, sur les maisons, sur les minuscules et capitaux débats de chacun dans sa solitude et son rapport avec ses frères humains qui après lui vivraient et puis s’en iraient peupler les champs du repos, en ce magma de mémoire de moins en moins vive que nous nommons à défaut de mieux l’histoire… Sur la vie tranquille de cette mi-journée en ce quartier sans jamais d’événements saillants, à plus forte raison glorieux, et qui remonte les canaux du souvenir grâce à la petite photographie, passent et repassent en paressant des lambeaux de brume, apaisants comme peut-être ils le furent alors, ou simplement indifférents, pures coïncidences des milliards de gouttelettes avec elles-mêmes, les menues déclivités, le si peu de souffle, les obstacles de maisons, d’arbres et de taillis, et le hasard qui paraît présider à leur constitution et à leur désagrégation. Où va-t-elle, cette brume, continue-t-elle son chemin sans tracé rigoureux vers le jardin de la maison que j’habite avec ma famille, lui-même en contrebas de la cour qu’on peut seulement deviner à gauche du cycliste et de la portion triangulaire du trottoir ? Va-t-elle, complice de la rue elle-même en force très calme de blancheur, envahir l’appartement qui ce matin-là ne cherche pas à se calfeutrer, qui a même exposé sur le rebord extérieur de fenêtre deux pots de plantes – des lanières très souples, vertes et blanches, retombantes -, et qui paraît chercher, de sa profondeur ombreuse, à capter la blancheur lumineuse de la rue ? Les deux battants de fenêtres, surtout celui de gauche, reçoivent et rendent cette clarté de doux hiver. Et il y a dans l’arrangement des lignes, dans les angles plus ou moins ouverts et les étagements qui polyphonisent, un calme qu’on attendrait plutôt d’une dominante de courbes pourtant ici presque absentes, une intimité non menacée où l’on constate sans impatience l’écoulement d’un temps qui s’est comme ensommeillé, automne oublié qui remonte à la surface d’un hiver insoucieux de ses devoirs.

Et justement, voici qu’à la recherche d’autres tirages de la photo ou, mieux, de son négatif, je retrouve la même scène sans personnages, prise de la même fenêtre, mais celle-là seulement vite refermée, car en un jour d’hiver neigeux. L’époque est antérieure à 1956, parce que l’image occupe la quasi-totalité du territoire aux bords dentelés, 6x9 donc, avant que je n’use du Semflex, et me servant de la boîte du Kodak un peu archaïque à soufflet, que mes parents me prêtaient. Il n’y a plus là «l’intérieur de la chambre», ce cadre sombre aux battants de fenêtres plus clairs et toute cette mise en scène d’espace à deux «étages» horizontaux – comme si on se trouvait au fond de cette boîte noire où va s’inscrire ce que fixe l’objectif -, dont je m’aperçois en comparant les deux clichés qu’elle faisait naître dans le regard du spectateur et d’abord du photographe ce sentiment complexe de retrait, d’intimité, de presque douceur qui m’a d’emblée envahi. Les dimensions du paysage s’en trouvent très augmentées – doublées ? -, bien que le fond de la rue ne soit guère plus exploré : ce sont les côtés, surtout à droite vers le sud-ouest et la ville, qui gagnent en développement des formes. A gauche, on découvre simplement les deux piliers du portail qui ouvrait sur la cour, et l’amorce descendante du grillage qui surplombait le jardin, en contrebas, et l’extrémité des branches – l’érable à l’occident de la cour, les petits acacias à droite du portail – que la chute de neige assez généreuse de la nuit a entourée d’un manchon encore épais. A droite de ce qui constituait dans la 6x6 la frontière – le sapin, dont je vois bien maintenant qu’il est lui-même plus en bas que les Jardins Veilleux -, l’horizon s’est étendu, on y voit en particulier une partie de maison assez haute dont je me rappelle que les balcons étaient tournés vers l’est. La neige qui encapuchonne tous les petits arbres et les arbustes des Jardins souligne à la fois un certain fouillis que ma mémoire «reconnaît» mais aussi l’aspect de liberté de ce «pays» auquel on n’avait pas accès. Et ce qui a encore plus changé en passant d’un format à l’autre, d’un hiver à son précédent, c’est le contraste des valeurs : avec les écharpes de brume, on a perdu la paisible errance, en gagnant les privilèges de la netteté selon une découpe bien plus accusée, une répartition plus tranchée du noir, vraiment noir – le mur en escalier, le poteau électrique à mi-pente -, et bien évidemment du blanc, presque éclatant sur le rectangle du toit de la maison, aux traits désormais individualisés, et du tracé diagonal de la rue. D’ailleurs, là où l’hiver sans froid estompait le cadre de la saison – j’ai dit hiver, puisque la mention de décembre l’indiquait, mais sans cela c’aurait pu être milieu d’automne, début de printemps -, convoquant un hors-temps qui n’enrégimentait plus trop, une vacance des heures probablement indécises, voici que la même pente diagonale de la rue et des murs reçoit une géométrie autoritaire, sans équivoque : plusieurs automobiles ont gravi ou descendu la côte et laissé avec les ornières de leur passage d’allure précautionneuse non seulement des traces plus ou moins profondes mais un rainurage alterné du noir (ou gris très foncé) au blanc, de largeur inégale (plusieurs passages de voitures, les pneus et roues d’un camion ?). Ici le cycliste est exilé pour longtemps, ou plutôt il ne reprendra son ascension que dans quelques mois, voire quelques années : il n’a pas sa place.

Ce n’est pas qu’une lumière ensoleillée soit venue chasser la douce imprécision des formes. Le ciel paraît demeurer gris, sans percée par des rayons incidents ou même trouée plus vague d’un halo qui annoncerait ou rappellerait l’embellie. Mais sans bleu ou or régnant dans le ciel – ces valeurs que l’on sentirait même avant l’utilisation courante de la technique de «photographie en couleurs» -, la neige diffuse une clarté que l’image du noir au blanc rend déjà maîtresse du territoire que le soleil n’a pas encore réinvesti. Simplement, cette présence paraît ici dénuée de toute tendresse, elle n’est là que pour souligner des lignes de force, révéler des éléments antérieurement dissimulés. Et avant le cliché de décembre 1956, dans cet hiver sans date précise et légèrement antérieur, elle me confirme rétrospectivement et par avance les repères d’une topographie voilée : la maison entière, coupée en son axe faîtier par le grand poteau où sont même visibles – au sommet – des crans analogues aux virgules des croches sur la hampe d’une notation musicale, les branches du sapin elles aussi crantées du manchon neigeux qui les souligne, la cheminée d’où sort une mince fumée à peine gauchie par le souffle venu cette fois du nord, deux autres cheminées qu’on devinait à peine, une mosaïque un peu enchevêtrée de murs gris foncé et de toits enneigés «apparus» à l’arrière-plan. Et surtout – sans présence humaine que celle, absente mais induite par les ornières de véhicules au milieu de la rue –, ce labour de glissière qui indique à quel point l’hiver a commencé, se continue, marque à l’extérieur du petit monde enclos de l’appartement quelque chose d’impérieux, peut-être même d’inexorable sous la modeste écorce de la saison, des travaux et des jours dans la petite ville provinciale. Oui, quelque chose s’est levé, un appel à l’ailleurs – autre climat, autre horizon, autre répartition des forces : la rue comme ruban presque liquide ne montant ni ne descendant avec certitude, pouvant aller jusqu’à entrer dans l’appartement, elle évite désormais cette connivence, elle fait glisser hors du champ familier.

Cet ailleurs, c’est celui d’un voyage d’hiver provisoirement immobilisé en ses traces rigoureuses. Je ne connais pas encore - à l’époque de la photographie – le cycle des lieder où Schubert, moins d’un siècle et demi avant la tombée de cette modeste averse neigeuse sur la ville de mon enfance, avait tracé pour toujours les chemins de la solitude humaine et à jamais clos tout retour en arrière vers quelque paradis qu’on puisse avoir désespérément rêvé. J’en connaîtrais bientôt les sortilèges d’emmuré. Maintenant, en deçà du temps des photographies où j’avais comme distraitement appuyé sur le déclencheur - cherchant seulement à expérimenter les rudiments d’un apprentissage que rien ne m’avait enseigné à prendre pour un art -, tellement en amont de ce qui m’est rendu et dont je tente de ressaisir le jaillissement, à travers tant de saisons, ces belles indifférentes qui ont vu tomber puis fondre la neige, se diluer la brume, s’écouler des eaux d’averses ou de pluies régulières, s’enfler et décroître les vents de tempête à brise, et surtout déshabiter la maison dont la fenêtre donnait sur la cour, le jardin, le paysage du sud-est, disparaître ceux qu’elle abritait – les vivants au nombre desquels je suis encore, et les morts, donc moi-même une seconde fois nommé puisque j’y étais enfant et adolescent, et que cette part de ce qui me constitue a depuis longtemps naufragé -, maintenant je m’efforce de relire les cartes de ce petit voyage par le regard. J’avais à deux reprises ouvert les yeux, la fenêtre, pour y capturer l’air brumeux ou froid. J’y avais saisi, la seconde fois, la montée précautionneuse du (vieil ?) homme fatigué, là le hasard du déclencheur m’avait aidé, je ne pouvais savoir, comprendre, imaginer que si longtemps après, cet inconnu ou si mal connu me serait un Double, autre personnage des voyages désespérés et disparu comme ses ancêtres en poésie et musique aux confins où Müller, Heine et Schubert les accompagnent, les enveloppent d’un ultime, d’un fraternel, d’un inutile regard, et les abandonnent, car eux prennent au poteau indicateur le chemin de droite, cela ne souffre plus de délai. Peut-être craignent-ils qu’à gauche le sentier ne tarde pas à se perdre, peut-être pensent-ils malgré tout qu’en marchant très longtemps, à la limite des forces, on aperçoit malgré tout la lumière d’une maison, et que là… Sans doute n’ignorent-ils pas qu’il leur faudra un jour pas bien éloigné, ayant eux-mêmes traversé un arc-en-ciel paradoxalement fait du spectre de toutes les douleurs, il leur faudra s’exiler de l’autre côté des montagnes d’où l’on ne revient jamais.

Dominique Dubreuil